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Travailler dans la restauration, c'est aussi faire face aux nombreuses problématiques du secteur.
Depuis des années, des employés dénoncent leurs conditions de travail : horaires difficiles, rythme intense et stressant, pratiques managériales dépassées voire autoritaires, etc.
Jean Covillault, chef aux multiples projets et connu pour sa participation à Top Chef en 2023, nous en parle au micro de Florent Malbranche, l’hôte du podcast “Arrière-Cuisine”.
Il évoque ses débuts dans le métier, les difficultés rencontrées. Il nous explique que les conditions de travail peinent à séduire et que le management doit être repensé. Il nous livre ses conseils et nous raconte comment il a su attirer des professionnels talentueux sur les projets qu’il a menés ces dernières années.
Cette interview montre comment réinventer la restauration pour la rendre durable et humaine. Pour en savoir plus, écoutez l’épisode complet du podcast !
“Tu peux gagner ta vie en cuisinant. Je me suis dit, naïvement, bingo.”
Depuis qu’il est petit, la “convivialité de la table” l’a toujours séduit. Se réunir, discuter, passer un bon moment… tous ces aspects du repas l’ont mené à vouloir être “acteur de ces moments”.
Lorsqu’il a découvert, via ses parents, qu’il pouvait créer ces moments qu’il aimait tant en devenant cuisinier, l’idée ne l’a plus jamais quitté.
À son entrée dans le métier, les difficultés se présentent rapidement. Remarques blessantes, abus de pouvoir et d’autorité. Si Jean a pu tenir dans ce cadre-là, c’est grâce à sa persistance à se dire “je vaux mieux que ces gens qui maltraitent les autres”. Il s’est forcé à faire abstraction de la forme pour se concentrer sur le fond, afin de progresser.
L’incapacité à transmettre ne serait-elle pas, finalement, une faiblesse ? Selon Jean Covillault, oui. Hurler sur les autres et leur mettre la pression n’est selon lui, qu’un refus de se remettre en question. Une incapacité à transmettre son savoir aux autres. C’est choisir la facilité.
Grâce à un “graduate program” intégrant des modules Harvard sur le management, Jean a su prendre du recul et s’armer pour ne jamais reproduire cette faiblesse managériale, si répandue dans le métier. Un atout rare dans un secteur où peu de restaurateurs ont suivi ce type de formation.
“Ce sont des choses que l’on n’apprend pas en restauration. Parce que, vous parlez de management à des grands chefs, ils vont vous dire “c’est bon, on ne va pas mettre un babyfoot en plein milieu de la cuisine pour le bien-être des salariés, ça ne marche pas”. Donc, c’est un truc novateur.”
La question de l’attractivité et du modèle économique
Nous le savons : depuis plusieurs années, le secteur de la restauration fait face à une crise. Il peine à recruter. Comment l’expliquer ? Jean Covillault en vient au constat suivant : les conditions de travail repoussent les candidats. Les horaires sont contraignants, les managers ne savent pas gérer d’équipes, le salaire n’est pas attractif et il n’est pas possible de choisir ses vacances.
“Mais en fait, qu'on fasse du jardinage, de la cuisine, des tableaux Excel, personne n'accepte. Et donc, je trouve que c'est tellement hypocrite que les gens ne comprennent pas pourquoi la restauration fuit. Je trouve que ça demande une vraie remise en question de son offre.”
Les entreprises comme Google et Apple, ont considérablement progressé sur leurs systèmes managériaux, pendant que la restauration stagne depuis des années. Certains systèmes comme les horaires en coupures, ne peuvent plus, selon lui, fonctionner aujourd’hui.
“Si la restauration en est encore à proposer des horaires en coupure, c'est logique et normal que les gens ne veuillent plus travailler.”
Pour Jean il est nécessaire de repenser tout le fonctionnement de la profession. À commencer par les plannings, en les allégeant à quatre jours par semaine. Jean explique d’ailleurs que l’avantage de la restauration, c’est qu’elle a “ce côté très modulable”.
“Le staff fait partie intégrante de l’histoire du restaurant.”
Pour mieux fonctionner, il faut placer le personnel avant l’organisation afin de gérer efficacement son restaurant. Il est important de savoir le nombre de personnes dont on dispose, leurs qualifications, pour ensuite décider de l’organisation optimale. Ce n’était pas le cas auparavant : le staff n’était pas considéré comme une ressource importante. Les restaurateurs s’organisaient, puis engageaient leur staff en fonction.
Son astuce pour assurer le bon fonctionnement d’un restaurant : créer une carte réduite et intelligente, tout en ayant une équipe réduite. Le but est de limiter le gaspillage alimentaire autant que possible, et de faciliter le travail en cuisine. Et cette méthode fonctionne ! Les clients lui font confiance, malgré le fait qu’ils soient souvent peu nombreux dans sa cuisine. Ils arrivent à s’organiser, parfois seulement à quatre.
Il place également l’apprentissage au cœur de ses projets. Jean crée des cartes avec des plats simples à réaliser. De cette manière, les stagiaires ou autres peuvent prendre leurs marques rapidement et être efficaces dès leurs débuts.
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Les restaurants éphémères et l'innovation sociale
“J'ai besoin d'apprendre très régulièrement. Je ne peux pas être sur un poste pendant 5 ans à faire exactement la même chose.”
Le concept de Jean Covillault : les restaurants éphémères. Il encourage cette initiative et la qualifie de “terrain d’expérimentation”. Jean brise les codes de la restauration et lance un restaurant dans lequel équipe et clients mangent ensemble, créant un espace convivial.
Le fait de créer des nouveaux concepts, amène beaucoup plus de personnes compétentes qui ont soif d’apprendre. Ainsi, les problèmes liés au personnel disparaissent. Ils désirent travailler.
“C'est important de concevoir que la jeune génération ne va pas passer 15 ans sur le même poste à faire la même chose.”
Jean cherche simplement à se faire plaisir à travers son travail. Il ne fait que les choses qu’il aime faire, change la carte toutes les semaines pour ne pas se lasser et cherche à valoriser l’humain dans son travail. Au final, la chose la plus importante pour Jean, c’est que tout le monde se plaise dans ce qu’il fait. Autant les clients que le staff ou lui-même. Un équilibre entre rigueur, rentabilité et bien-être. La restauration, ce sont de beaux métiers, souvent dévalorisés à tort.
La valorisation des métiers de la salle
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Jean constate que la cuisine est mise en avant, comme dans Top Chef, mais pas la salle. C’est d’ailleurs grâce à l’émission que Jean a eu du monde dans son restaurant. Toutefois, si les clients reviennent, c’est souvent grâce à l’animation en salle. Il souligne l’importance des serveurs, sommeliers et chefs de rang, essentiels au bon fonctionnement d’un restaurant.
Ces métiers représentent un rôle crucial dans l’animation de la salle, mais également dans la fidélisation du client. Selon lui, un service chaleureux peut compenser une cuisine moyenne. En revanche, une cuisine excellente ne compense pas un service médiocre.
Finalement, l’importance dans la restauration, c’est de faire vivre une expérience. Il faut que le client passe une bonne soirée. Non seulement en mangeant bien, mais également en passant une soirée animée, sympathique, notamment grâce aux serveurs.
“La clé, c'est de se remettre en question et d’arrêter de râler. C'est clair.”
L’enjeu pour Jean, c’est de montrer qu’on peut faire autrement. Ses résidences affichent toujours complet. La clé de sa réussite ? La création d’un compte sur les réseaux sociaux, une communication régulière, un canal avec 2000 personnes, une newsletter. En bref, avoir une gestion efficace.
Le management et l'attractivité des jeunes générations
“Est-ce que je le proposerais à mes enfants ? Est-ce que moi, je le prendrais à mon âge ?”
Jean se pose une question centrale : “Est-ce que c’est un job que moi j’aurais aimé avoir ?” Il critique les postes en coupures et sans perspectives, peu attractifs, qui ne donnent donc pas envie de rester dans la restauration. Il se met constamment à la place des autres afin de déterminer, selon le niveau d’expérience de l’autre, si le job lui aurait plu. Selon Jean, faire tous les jours, les mêmes repas, les mêmes desserts, rend la profession ennuyante et redondante. Il est fondamental que le menu plaise autant aux clients qu’aux employés. Il est donc indispensable de proposer des formats attractifs, évolutifs et humains.
Reconversions et ouverture du secteur
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La reconversion en restauration est souvent un sujet tabou. Pourtant, Jean Covillault pense l’inverse. Il estime au contraire que c’est très valorisant. Quand on commence la restauration, on se retrouve tout en bas de l’échelle. On monte en grade au fur et à mesure de notre carrière. Ils renoncent aux privilèges acquis dans leurs anciennes professions. Choisir la reconversion en restauration, c’est faire preuve de courage et de passion.
Les reconversions représentent aussi une véritable richesse, car elles permettent de découvrir de nouveaux modes de management et d’organisation. C’est une aubaine pour une profession qui manque clairement de compétences dans ce domaine.
“J'arrive aussi à apprendre de ces gens-là parce qu'ils ont une façon de faire différente. Ils s'organisent de manière différente.”
Jean Covillault défend donc une restauration plus humaine, conviviale et durable. Son modèle repose sur l’apprentissage, la valorisation du staff comme élément essentiel à la fidélisation du client, et l’innovation dans les formats. Cela implique de faire évoluer la restauration, “de changer les règles du jeu” et de se remettre constamment en question. Pour Jean, la restauration doit rester un métier qui attire, qui passionne et qui fait grandir ceux qui l’exerce.
Pour découvrir l’intégralité de l’interview de Jean Covillault et aller plus loin sur ces enjeux, écoutez l’épisode complet de notre podcast Arrière-Cuisine.



“C’est donnant-donnant. C’est-à-dire que, quand tu sents que ton patron, ta patronne te laisse la possibilité de vivre des choses en dehors du travail, je trouve que tu n’abuses pas. J’essaie de faire comprendre aux salariés que la vie n'est pas censée s'arrêter au profit de leur travail, mais qu'ils peuvent vivre les moments importants de leur vie ! Comme des mariages familiaux, des naissances. […] C'est important de faire sentir que tu peux avoir cette liberté-là dans l'entreprise.”


“La coupure, ce n’est pas pour rien que c’est un sujet aujourd’hui. La plupart du temps, tu n’as pas le temps de rentrer chez toi. Au pire, tu vas glander une heure dans ton canapé, puis après, tu retournes travailler.”


“Un chef qui essaye d'insuffler une bonne ambiance, certes de travail, mais tout en restant concentré, avec une ambiance de travail agréable, c'est largement faisable. Je trouve que ça se ressent même à travers la cuisine.”


“Des trucs qui nous paraissaient évidents, comme deux jours de repos consécutifs, ça paraît évident, mais ce n'est pas toujours respecté. Pour être sain dans sa tête, il faut avoir un vrai week-end. Alors effectivement, ce n'est peut-être pas un week-end du vendredi au dimanche, mais juste deux jours de repos consécutifs en dehors du travail, véritablement, c'est essentiel.”
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« Au départ, on leur vendait le truc, on avait envie qu'ils y croient, quasiment comme des investisseurs. On s'est lancé pendant un an dans un marché. On se vendait un peu auprès d'eux, en fait. Je dirais que nos premiers employés, ils ont adhéré à notre histoire. Ils ont vraiment cru en nous. On a eu cette chance qu'ils croient en nous à fond pour nous suivre sur un truc. »


“C'est aussi de se dire, j'ai envie de travailler quelque part où je suis ok avec les valeurs de l'entreprise, je suis ok avec les valeurs du travail. Personnellement, moi, c'est comme ça aussi que je choisis mes jobs. […] Donc, je ne peux qu'être d'accord aussi avec ces nouvelles valeurs qui émergent dans le monde du travail.”


“On a décidé d'investir sur la masse salariale et c'est ça le plus important. […] On a investi sur du personnel pour pouvoir faire en sorte que chaque salarié puisse avoir un planning correct.”


“Je pense que la précipitation sera toujours la plus grosse erreur de recrutement en restauration ou d'ailleurs dans tous les secteurs. […] À chaque fois qu'on ouvre un poste, finalement, il le fallait pour il y a trois jours, le temps de former, d'onboarder, etc.”


“Je préfère d'autant plus travailler avec ces gens-là parce que je trouve que ça montre une vraie passion et il y a un vrai travail et une réelle envie de faire de la restauration.”


“En règle générale, les gens passent une soirée avec le service. C'est le service qui arrive à créer cette proximité, cette chaleur humaine qui font que les gens vont revenir.”


“Pour que des gens assez novices puissent prendre les rênes assez rapidement parce que, recette simple, pas très compliquée. Je trouve que l’apprentissage, ça doit vraiment être au cœur du métier.”


“Cette solution me permet de pouvoir équilibrer ma vie pro et ma vie perso grâce à la variété d’établissements. Je peux choisir mes horaires et les sites sur lesquels je travaille.”


“Ce que j’apprécie c’est la proximité, j’ai la possibilité de parler avec un interlocuteur, je me sens comme à la maison.”
Faites décoller votre carrière en restauration.
Téléchargez l’application qui valorise vos compétences et multiplie vos opportunités.
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